David Pearsall, le 20 Avril 2016


André Breton a écrit dans son Manifeste du surréalisme en 1924, « Nous vivons vraiment par nos fantasmes quand nous donnons libre cours à eux. Je crois à la résolution future de ces deux états, en apparence si contradictoires, que sont le rêve et la réalité, en une sorte de réalité absolue, de 'surréalité,' si l’on peut ainsi dire. C’est à sa conquête que je vais … » (Breton 5). Paul Éluard est considéré comme l'un des plus célèbres des poètes surréalistes français. Ses poèmes sont souvent sur l'amour, et ils sont remplis d'images surréalistes ou oniriques. Des exemples sont, « Elle est debout sur mes paupières » ("L'amoureuse," Éluard 50), « L'oiseau s’est confondu avec le vent » ("Le miroir d'un moment," Éluard 128), et "Ta chevelure d 'oranges" (Éluard 129). Les pensées et les sentiments que ces mots et les images créent sont tellement nouveau à notre expérience qu'ils sont plus réels que la réalité, ou 'surréaliste' ('sur'- 'plus,' 'au-dessus,' ou 'au-delà' - Dictionary.com).

Bien que l'imagerie surréaliste peut être plus puissante que l'expérience passée ou 'réaliste,' le surréalisme nécessite d'être ouvert à de nouvelles idées et des émotions. Le surréalisme exige que nous sautions hors de notre propre peau ou prendre un acte de foi. Pour cette raison, la littérature ou l'art surréaliste ne peut pas faire un lien émotionnel avec le destinataire.

Ayant appris un peu plus sur l'histoire du surréalisme et de lire les poèmes d'Éluard et "Nadja" de Breton, je suis capable de sentir une partie de la puissance du surréalisme. Mais, étonnamment, mes deux œuvres préférées par Éluard, "Et un sourire" (Éluard 444) et "Matines" (Éluard 445) sont des poèmes d'amours assez simples et traditionnelles. Ils sont faciles à comprendre et ils n’ont pas la juxtaposition inattendue ou énigmatique de vocabulaire ou de l'imagerie. Et les deux poèmes, d'une manière très traditionnelle, concluent avec une leçon: "Voilà comment vous aimez," Éluard semble nous dire.

"Et un sourire" ouvre avec « La nuit n’est jamais complète. …Il y a toujours …une fenêtre ouverte, une fenêtre éclairée. Il y a toujours un rêve …» (Éluard 444). Éluard utilise trois simples métaphores pour exprimer concrètement des émotions abstraites. Il oppose l'obscurité de la nuit (la dépression) avec l'éclat de la lumière vue à travers une fenêtre ouverte (l’espoir). Puis il nous rassure avec la métaphore d'un rêve (la possibilité) que les circonstances peuvent toujours changer pour le mieux. Les quatre dernières lignes sont des déclarations physiques de l'amour, non seulement entre les amants, mais parmi toutes les personnes - amis, connaissances, ou tout simplement les gens que nous rencontrons dans la vie quotidienne. Ici, par la simple énumération de quelques gestes quotidiens, Éluard nous permet de sentir l'intensité de l'émotion qui peut se trouver sous des actes d'affection des gens.

« Un coeur généreux
Une main tendue, une main ouverte
Des yeux attentifs
Une vie, la vie à se partager. » (Éluard 444)

"Matines" ouvre avec « J'ai rêvé d'une grande route, où tu étais seule à passer. » (Éluard 445). Éluard continue à décrire « la forêt verte et mouillée » (Éluard 445) comme s'il est dans un rêve. Mais son amour a commencé sa journée alors qu'il est encore en train de dormir à poings fermés comme un nouveau-né. Encore une fois, les quatre dernières lignes sont les plus mémorables du poème. Mais ces lignes décrivent une situation plus intime que dans "Et un sourire." Les mots sont faciles à comprendre, et la scène est encore une image de la vie quotidienne. Et le cadeau est l'amour et la sécurité que l'on éprouve d'abord dans la petite enfance et l'enfance.

« Je dormais je étais né d'hier
Toi tu tétais très Tôt levée
Verser m'accorder matinale
Une enfance de perpétuelle. » (Éluard 445)

Ces deux poèmes faisaient partie du "Phénix" d’Éluard, publié en 1951, 25 ans après sa première collection "Capitale de la douleur," publiée en 1926, au début du mouvement surréaliste. Peut-être les juxtapositions, innovantes choquantes du surréalisme au début ne sont plus si nouveau ou évalués par Éluard. Mais plus d'intérêt pour moi est que ce sont mes poèmes préférés, ceux qui vont rester dans ma mémoire. Je pense que la puissance de ces poèmes provient de l'utilisation d’Éluard des scènes et des situations quotidiennes et de son utilisation des métaphores et des gestes simples. Nous pouvons voir ces images dans l'œil de notre esprit, et ils peuvent évoquer des émotions intenses, souvent liés à notre propre expérience. Je pense que c’est pourquoi, pour moi, le réalisme est parfois plus accessible que le surréalisme.

Sources cités:
1. Breton, André. Manifeste du surréalisme. Éditions du Sagittaire, Paris, 1924. http://inventin.lautre.net/livres/Manifeste-du-surrealisme-1924.pdf
2. Dictionary.com. http://www.dictionary.com
3. Éluard, Paul. Œuvres complète, I et II. Gallimard, Paris, 1968]]>